Selon l’édition 2024 du célèbre classement de Shanghai, les quinze universités les plus performantes au monde sont presque exclusivement situées aux États-Unis, à l’exception de deux établissements britanniques et de l’Université Paris-Saclay, unique représentante européenne continentale. Cette liste témoigne d’une suprématie occidentale, notamment américaine, mais soulève une question essentielle : pourquoi les universités chinoises ou japonaises, issues de pays leaders en innovation technologique, n’y figurent-elles pas ?
Une méthodologie qui favorise les sciences fondamentales
Le classement de Shanghai repose principalement sur des critères académiques, tels que le nombre de publications dans des revues prestigieuses (comme Nature et Science), le nombre de prix Nobel ou de médailles Fields associés à l’université, ainsi que la fréquence des citations des chercheurs. Ce système accorde une priorité aux institutions ayant une forte production en sciences fondamentales et en recherche théorique, souvent déconnectée des applications technologiques immédiates.
Or, les universités asiatiques, notamment chinoises, excellent davantage dans les domaines appliqués tels que l’intelligence artificielle, la robotique ou l’énergie renouvelable. Bien que ces secteurs soient cruciaux pour l’avancée technologique mondiale, ils sont moins représentés dans les indicateurs utilisés pour ce classement. Par exemple, des institutions comme l’Université Tsinghua ou l’Université de Tokyo, reconnues pour leurs contributions en IA ou en ingénierie, sont reléguées hors du top 15.
Une évolution récente mais rapide des universités asiatiques
La Chine, en particulier, a investi massivement dans l’enseignement supérieur ces dernières décennies, visant à rivaliser avec les meilleures universités occidentales. L’initiative Double First Class et les budgets alloués à la recherche ont permis à des établissements comme l’Université de Pékin ou celle de Zhejiang de grimper dans les classements mondiaux. Cependant, ce développement, bien qu’impressionnant, reste récent comparé à des institutions comme Harvard ou Cambridge, riches de plusieurs siècles d’histoire et de réseaux internationaux influents.
De son côté, le Japon a vu son système universitaire perdre de l’élan dans les classements mondiaux, en raison d’une baisse des financements publics et d’une moindre internationalisation de ses programmes. Pourtant, le pays reste un pionnier dans plusieurs secteurs technologiques, comme les semi-conducteurs ou la robotique, grâce à des collaborations industrie-université souvent absentes des critères du classement de Shanghai.
Les limites d’une liste orientée
Le classement de Shanghai met en lumière l’excellence scientifique occidentale, mais il reflète aussi une vision partielle de la performance académique. Il ignore en grande partie l’impact des universités dans leur environnement économique et technologique local, ainsi que leur rôle dans les avancées concrètes de la société. Les pays asiatiques, en investissant dans des programmes d’excellence, contestent progressivement cette hégémonie. D’autres classements, comme celui du Times Higher Education, adoptent une approche plus équilibrée, où des universités asiatiques figurent dans les premières places.
Si les États-Unis dominent encore ce classement, la montée en puissance des universités asiatiques, appuyées par les progrès spectaculaires de leurs pays en matière de technologies, pourrait bientôt modifier la donne. En attendant, une réflexion sur les critères d’évaluation pourrait permettre de mieux refléter les multiples facettes de la performance universitaire mondiale. La question reste ouverte : quelle place l’innovation technologique et les applications concrètes doivent-elles occuper dans l’évaluation des établissements d’enseignement supérieur ?