En septembre 2024, la Chine a annoncé un investissement majeur de 41 milliards de dollars dans l’industrie des semi-conducteurs, dans le but de renforcer sa capacité à produire ces composants essentiels à l’économie mondiale. Ce projet ambitieux s’inscrit dans une stratégie plus large de souveraineté technologique, face aux restrictions croissantes imposées par les États-Unis et d’autres puissances. Cet article examine les implications de cet investissement dans un secteur dominé par quelques acteurs clés, ainsi que les enjeux géopolitiques et économiques liés à la fabrication des semi-conducteurs.
Le semi-conducteur : un élément clé de la technologie moderne
Les semi-conducteurs sont des composants indispensables pour une grande variété de produits technologiques, des smartphones aux ordinateurs en passant par les voitures et les équipements médicaux. Ces puces électroniques permettent de traiter des informations à des vitesses extrêmement rapides et sont donc essentielles au fonctionnement des systèmes informatiques modernes, des télécommunications et des infrastructures industrielles.
La demande en semi-conducteurs a explosé ces dernières années avec l’essor de technologies comme la 5G, l’intelligence artificielle (IA), l’automatisation industrielle et les véhicules électriques. Cependant, l’offre mondiale de semi-conducteurs est largement concentrée entre les mains de quelques pays et entreprises, créant un déséquilibre dans la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Le monopole de la fabrication des semi-conducteurs
Aujourd’hui, la fabrication des semi-conducteurs est dominée par un petit groupe de pays et d’entreprises. Les deux principaux acteurs du marché sont Taïwan et la Corée du Sud.
1. TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) : Cette entreprise taïwanaise est le plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde, produisant environ 54 % des puces globales en 2022. TSMC est un acteur crucial dans l’industrie, en grande partie grâce à ses technologies de pointe, notamment les puces de 5 nanomètres et bientôt celles de 3 nanomètres.
2. Samsung : Le géant coréen Samsung est le deuxième plus grand fabricant de semi-conducteurs, avec une part de marché d’environ 17 %. Samsung est également à la pointe de la technologie des semi-conducteurs et investit massivement dans la recherche et le développement pour rester compétitif face à TSMC.
D’autres entreprises comme Intel (États-Unis) sont également actives dans la production, mais elles ont moins d’influence sur les segments de marché les plus avancés.
Ce duopole, Taïwan et la Corée du Sud, détient ainsi le monopole sur les semi-conducteurs les plus avancés, en particulier ceux utilisés dans les technologies critiques comme l’intelligence artificielle et la défense. Cette concentration a provoqué une forte dépendance mondiale vis-à-vis de ces deux acteurs.
Les enjeux de l’investissement chinois
La décision de la Chine d’investir 41 milliards de dollars dans la fabrication des semi-conducteurs intervient dans un contexte de tensions commerciales et technologiques croissantes, en particulier avec les États-Unis. Depuis 2019, Washington a imposé des restrictions strictes sur les exportations de technologies vers la Chine, limitant son accès aux semi-conducteurs les plus avancés. En réponse, la Chine s’efforce de développer sa propre capacité de production de semi-conducteurs pour réduire sa dépendance envers les fournisseurs étrangers.
1. Réduire la dépendance extérieure : La Chine importe actuellement plus de 80 % des semi-conducteurs qu’elle utilise, ce qui en fait l’un des plus gros consommateurs mondiaux. La production locale ne couvre qu’une petite partie de ses besoins, principalement des puces moins sophistiquées. Cet investissement vise à combler cet écart et à permettre à la Chine de produire des semi-conducteurs plus avancés pour soutenir ses industries stratégiques.
2. Souveraineté technologique : Les semi-conducteurs étant au cœur de l’économie numérique, la capacité à les produire localement est cruciale pour les ambitions technologiques et industrielles de la Chine. Le pays souhaite non seulement répondre à sa propre demande interne, mais aussi devenir un acteur majeur de l’exportation de semi-conducteurs dans le monde.
3. Défis de l’innovation : Bien que la Chine soit l’un des principaux investisseurs mondiaux dans les semi-conducteurs, elle est confrontée à des défis importants en termes de technologie et d’innovation. Les acteurs mondiaux comme TSMC et Samsung ont des années d’avance dans le développement de puces de plus en plus petites et puissantes. L’investissement de 41 milliards de dollars est donc un pas important, mais la Chine devra également renforcer sa recherche et développement, former ses ingénieurs et résoudre les problèmes de propriété intellectuelle pour rattraper son retard technologique.
Impact sur l’industrie mondiale des semi-conducteurs
Cet investissement chinois pourrait avoir des répercussions significatives sur l’industrie mondiale des semi-conducteurs.
Diversification de l’offre : Si la Chine parvient à développer une industrie des semi-conducteurs compétitive, cela pourrait réduire la concentration du marché entre les mains de quelques acteurs, notamment TSMC et Samsung. Cela offrirait également aux entreprises du monde entier une alternative potentielle, en particulier dans un contexte de tensions géopolitiques accrues entre la Chine, Taïwan et les États-Unis.
Tensions commerciales : L’essor d’une industrie chinoise des semi-conducteurs pourrait renforcer les tensions entre la Chine et les États-Unis, ces derniers cherchant à limiter l’accès de la Chine aux technologies de pointe. Des sanctions et des restrictions pourraient encore entraver la capacité de la Chine à accéder aux équipements de fabrication de semi-conducteurs, dont certains sont dominés par des entreprises américaines, japonaises et européennes.
Incertitude géopolitique : Taïwan, en tant que principal fabricant mondial de semi-conducteurs, est au cœur de nombreuses préoccupations géopolitiques. Toute tentative par la Chine de se positionner comme un concurrent direct de TSMC pourrait renforcer les tensions autour de l’île, notamment sur les questions de souveraineté et de sécurité régionale.
L’investissement de 41 milliards de dollars de la Chine dans la fabrication de semi-conducteurs marque une étape importante dans sa quête d’indépendance technologique. Cependant, atteindre la parité avec les acteurs mondiaux tels que TSMC et Samsung reste un défi de taille, nécessitant des avancées en matière de recherche, d’innovation et de production à grande échelle. Dans un contexte de tensions commerciales et géopolitiques croissantes, cet investissement pourrait avoir un impact profond sur l’industrie mondiale des semi-conducteurs et sur les relations économiques internationales.